La machine à vapeur est un moteur à combustion externe qui transforme l'énergie thermique de la vapeur d'eau (produite par une ou des chaudières) en énergie mécanique. Les évolutions les plus significatives de cette invention datent du xviiie siècle. Comme première source d'énergie mécanique maîtrisée par l'homme (contrairement à l'énergie hydraulique, marémotrice ou éolienne, qui nécessitent des sites spéciaux et que l'on ne peut actionner facilement à la demande), elle a une importance majeure lors de la révolution industrielle. Au xxe siècle, elle est supplantée par la turbine à vapeur, le moteur électrique et le moteur à combustion interne pour fournir de l'énergie mécanique.
Les premiers travaux sur la vapeur d'eau et son utilisation remontent à l'Antiquité : Héron d'Alexandrie conçut et construisit au ier siècle son éolipyle qui, bien que considéré comme un jouet du fait de sa faible puissance et de son utilité, n'en était pas moins un moteur à vapeur, à réaction. Il fallut attendre le xviie siècle pour que réapparaisse l'idée d'utiliser la puissance de la vapeur d'eau. En 1601, Giambattista della Porta améliora l'utilisation de la force d'expansion de la vapeur d'eau.[réf. nécessaire] En 1606 Jerónimo de Ayanz y Beaumont en Espagne, utilisa la vapeur pour propulser un fluide (l'eau accumulée dans les mines) dans une buse1 en flots continus puis, en 1615, le Français Salomon de Caus décrit une pompe capable de chasser l'eau d'un récipient2. En 1629, Giovanni Branca suggéra l'idée de moulins mus par la vapeur et, l'année suivante, David Ramseye obtint un brevet pour une pompe mue par un « moteur à feu ». En 1663, le marquis de Worcester améliora le projet de Caus en équipant la chambre à vapeur d'un condenseur ; dans son atelier de Vauxhall, il fit adapter à cette fin un fût de canon par un artisan saxon, Kaspar Kalthoff3, mais il mourut avant d'avoir pu mettre ses idées en pratique. En 1668, le jésuite flamand Ferdinand Verbiest décrivit dans son livre le premier véhicule terrestre mû par un jet de vapeur et une roue à aubes. En 1679, le Français Denis Papin construit la première chaudière (utilisée comme autocuiseur), fermée par la première soupape. Conscient du potentiel de la vapeur, il propose l'idée du piston, qui donnerait accès à des puissances insoupçonnées jusqu'alors. Son prototype, en 1690, reste inefficace. En 1698, Thomas Savery déposa un brevet sur une pompe destinée à l'exploitation minière, fonctionnant à la vapeur, directement inspirée des travaux de Edward Somerset. Par la suite, il la perfectionna en collaboration avec Thomas Newcomen, grâce, entre autres, aux travaux de Denis Papin. Un premier modèle commercial fut utilisé dès 1712 dans les mines de charbon, près de Dudley, dans le centre de l'Angleterre. Ces pompes fonctionnaient en produisant un vide dans une chambre fermée où l'on faisait se condenser de la vapeur, grâce à un jet d'eau. Les vannes d'admission et d'échappement, d'abord à commande manuelle, furent automatisées par Henry Beighton (en), en 1718. Ces pompes étaient d'emploi courant dans toutes les mines humides de l'Europe. Elles étaient cependant très coûteuses à l'usage, car leur cylindre devait être réchauffé avant chaque admission de vapeur.
L'Écossais James Watt (1736-1819) répare un moteur Thomas Newcomen en 1763 ; il cherche alors des idées d'amélioration pour en augmenter l'efficacité. Ses réflexions débouchent en 1765 sur l'idée d'une chambre de condensation pour la vapeur séparée du cylindre principal par une valve, idée pour laquelle il dépose un brevet en 1769. Il commence alors à produire des moteurs améliorés avec le financement de Matthew Boulton. En 1765, aux mines d'argent de Barnaoul, le Russe Ivan Polzounov imagine de coupler deux cylindres pour exploiter les cycles compression-détente, et munit son moteur d'un régulateur à flotteur pour maintenir constant le niveau d'eau dans le circuit4 : c'est le premier régulateur d'une machine à vapeur. En 1770, le Français Cugnot construisit le premier véhicule automobile terrestre, un fardier, destiné à la traction de pièces d'artillerie. Ce prototype sans postérité utilisait un moteur de type Newcomen. Les performances du véhicule étaient insuffisantes pour un usage opérationnel. Parallèlement, James Watt continue à chercher des idées pour améliorer son invention et, en 1781 il met au point un système mécanique permettant de créer un mouvement de rotation à partir du mouvement rectiligne du piston, ce qui lui permet ensuite de concevoir le cylindre à double action où la vapeur entraîne le piston, lors de sa montée et de sa descente. La puissance de la machine en est fortement augmentée. Il formalise aussi une utilisation possible en 1784 en déposant un brevet sur une locomotive à vapeur, invente un indicateur de pression de la vapeur dans le cylindre et, en 1788, une valve de puissance pour laquelle il reprend ensuite l'idée de Boulton d'employer un régulateur centrifuge pour rendre la vitesse constante indépendamment des variations de la production de vapeur et des sollicitations de puissance en sortie. Il introduit aussi une nouvelle unité de mesure de la puissance, le cheval-vapeur. Certains lui reprocheront d'avoir freiné le développement des systèmes à haute pression fonctionnant par l'expansion de la vapeur, auxquels il ne croit pas, mais qui sont prônés par d'autres inventeurs comme Jonathan Hornblower, et qui doivent attendre l'expiration des brevets en 1800, après leur prolongation en 1782. Ce dernier met au point, en 1781, un double cylindre combiné où la vapeur passe d'abord dans un cylindre dans lequel elle pousse le piston avant de passer dans un cylindre fonctionnant selon le principe de la condensation qui équivaut à un système à double action. Mais son invention reste expérimentale, sans application possible du fait des brevets de Watt, et il faut attendre les apports de Richard Trevithick et de Arthur Woolf en 1803 pour la voir émerger. Combiné à un nouveau type de condenseur conçu par Edmond Cartwright qui enveloppe le cylindre et l'apparition des chaudières produisant de la vapeur à haute pression, cela permet la fabrication de machines compactes et puissantes, nécessaires à une utilisation mobile.
À la fin du xviie siècle, les activités minières commencent à être gravement entravées par des problèmes d'inondations. À la suite des recherches scientifiques de Torricelli et Pascal, plusieurs tentatives d'utilisation de la pression atmosphérique, pour extraire l'eau des mines, ont été réalisées. Le moteur Savery, clairement inspiré des investigations scientifiques de l'époque, peut être considéré comme le premier effort réussi dans ce sens. Le moteur est développé dans la période 1695-1702. Sans aucun doute, l'importance historique du moteur Savery réside davantage dans la démonstration des potentialités générales de l'utilisation de la puissance à vapeur que dans ses applications pratiques, même si certains de ces moteurs continuent à être effectivement utilisés pendant plusieurs années7. Ensuite, la machine à vapeur parvient à occuper une place centrale dans l'histoire économique de la révolution industrielle européenne. Aujourd'hui, il est généralement admis que les récits traditionnels du processus d'industrialisation tels que ceux de Rostow (1960) et des Landes (1969) ont tendance à confondre l'importance économique de la machine à vapeur avec sa diffusion précoce, en considérant la diffusion rapide et efficace de cette technologie comme preuve de son importance économique pour l’Europe. Cette vision est aujourd’hui parfois critiquée par certains et jugée incomplète dans le sens où elle ne tient compte que du déploiement des machines à vapeur, au détriment d’aspects tout aussi importants comme le contexte social de l’époque et le besoin de l’industrie de se développer et de trouver de nouvelles méthodes pour améliorer les rendements, vu la demande qui ne cesse de croître8. L'application industrielle de la machine à vapeur de James Watt (présentée ci-dessus) commence à partir de 1775, après que James Watt s'est associé avec Matthew Boulton. Leur démarche de commercialisation est de faire contrat avec un client équipé d'une machine ancienne et de financer le remplacement par une machine de Watt. Watt brevette plusieurs autres inventions comme la machine rotative et surtout la machine à double effet (1783), dans laquelle le cylindre reçoit la vapeur alternativement par le bas et par le haut, ainsi qu'un régulateur à boules ou centrifuge (1788) assurant une vitesse constante au moteur8.
La machine à vapeur est ainsi en mesure de remplacer les moteurs hydrauliques, pour l'entraînement d'outils industriels. Leur déploiement éclair est le résultat d’un mélange de plusieurs paramètres sociaux et historiques : au xviie siècle, les prouesses et les découvertes scientifiques et physiques sont de plus en plus importantes et fréquentes, ce qui cause le développement rapide de plusieurs technologies ayant pour but d’améliorer le train de vie de la population ; leurs applications à l’industrie ont comme objectif d’augmenter les performances à moindre coût. La machine à vapeur s’inscrit alors dans ce cadre comme une technologie de pointe pour l’époque, capable de multiplier les performances des usines. L’adoption et l’approbation de la machine à vapeur par une grande partie de la population peut aussi expliquer ce déploiement rapide, grâce notamment au train à vapeur, dont le nombre d’usagers augmente d’une manière exponentielle7. Le développement de ces machines est donc extrêmement rapide : 496 machines à vapeur Boulton7 et Watt sont en service en Grande-Bretagne en 1800. Le développement de la machine à vapeur est alors l'une des raisons de la précocité économique britannique. En 1830, le Royaume-Uni possède 15 000 de ces machines, la France 3 000 et la Prusse 1 000. La France reste à la traîne dans ce domaine : en 1880, elle ne possède que 500 000 chevaux-vapeur installés contre deux millions au Royaume-Uni et 1,7 million en Allemagne.